Tant que le café est encore chaud, de Toshikazu Kawaguchi, traduction du japonais par Miyako Slocombe, Le livre de poche, 2022, 240 pages, 7,40€

76. Tant que le café est encore chaud, de Toshikazu Kawaguchi, traduction du japonais par Miyako Slocombe, Le livre de poche, 2022, 240 pages, 7,40€ 

Il est rare qu’un auteur adapte en récit sa pièce de théâtre; c’est plus fréquemment l’inverse qui se produit. Tant que le café est encore chaud est donc une exception qui mérite d’être soulignée.

Un modeste café tokyoïte, le Funiculi funicula, dans lequel on accède par un étroit escalier après avoir poussé une lourde porte de bois et « … qui ne compte que trois tables pour deux personnes, trois places au comptoir », « une petite salle soutenue par des piliers imposants, et des poutres en bois naturel qui se croisent au plafond » est le décor insolite de ce conte joyeux et bouleversant comme un saké aux saveurs amères mais généreuses.

Le Ding-dong de la porte, 

le ting du vieux tiroir-caisse, 

suivi du clank-clank de la caisse enregistreuse, 

le clap des livres qu’on referme,

le clac des objets posés sur les tables,

les bip-bip-bip des sonneries d’un minuteur,

et le tulululu du téléphone qui résonne dans l’arrière salle… 

ponctuent le roman comme autant de signaux du temps qui passe que rien ne saurait prolonger et ouvrent des saynètes qui se succèdent telles des toiles clairsemées sous le vent de nos rêves !

Dans ce lieu convivial, hors du quotidien, la magie opère les personnages en leur permettant de revivre brièvement, le temps de déguster un café, un moment de leur vie passée au Funiculi funicula pour peu que le protagoniste se place sur la table appropriée du bar. « Mme Kotake comprit que c’était son propre corps qui ondulait. Elle était en train de se transformer en vapeur de café. Le paysage autour d’elle s’était mis à défiler de haut en bas. Elle s’était changée en vapeur et elle remontait le temps ». Cependant, les règles sont strictes : impossible de changer la réalité à venir, de plus il faut revenir au présent de sa vie avant que le café servi ne refroidisse, faute de quoi on devient un fantôme comme cette « femme en blanc » qui erre dans la salle comme une âme en peine.

Par contre, « Le futur n’étant pas encore arrivé, tout ne dépendra que de vous ». Revivre le passé peut donc avoir des conséquences imprévues.

Quatre histoires distinctes, entrecroisées et mystérieusement reliées, se succèdent. Elles nous font prendre conscience que seul le présent est à vivre pleinement, avec authenticité, cœur et générosité. 

Dans une langue légère, au ton amusé, parfois narquoise, Toshikazu Kawaguchi nous livre, mine de rien, un conte philosophique digne d’un Voltaire japonais, pour nous faire entendre qu’énoncer un simple je t’aime aux gens qu’on aime profondément – amicalement, amoureusement, amitiarousement ou familialement – est souvent la chose la plus difficile à exprimer, mais la seule qui vaille vraiment dans nos vies éphémères, quoi qu’il advienne. L’amour au présent est l’éternité en mouvement.

Un roman à déguster comme un verre de saké à la sapidité requinquante !