28. Le plus dangereux des jeux, de Richard Connel, éditions du Sonneur, traduction de Xavier Mauméjean, 2020, 70p, 6,5€28.
La chasse à l’homme plutôt que mourir d’ennui… nous sommes proches ici, d’une manière moins directement métaphysique, du Roi sans divertissement de Jean Giono.
Cette miniature, écrite en 1924, qui a tant inspiré les cinéastes et acteurs les plus illustres tel Orson Welles (série-radio de 1943 qui suit le film La Chasse du Comte Zaroff de 1932) résonne en ondes propagatrices, au spectre grandissant, qui percent nos protections les plus intimes au fil de la lecture.
Zaroff qui n’est pas ‘Comte’ comme le désigne la tradition, mais Général cosaque déchu et richissime trompe son ennui de chasseur triste et désabusé tant il a tué de fauves en se livrant sur son île isolée, luxuriante et maléfique, au jeu du chat et de la souris avec des hommes pourchassés.
Glaçant, d’une courtoisie ouvragée, le Général aura fort à faire avec sa dernière prise, le célèbre chasseur Sanger Rainsdorf, qui connaît aussi bien le « piège à homme malais » que le « piège du tigre birman », ou les stratagèmes appris lors de chasses en Ouganda.
Les eaux de la mer, « tièdes comme du sang qui se refermèrent au-dessus de la tête de Rainsdorf », la nage et la ruse réservent des surprises au Général Zaroff qui, sûr de lui grâce à ses succès incessants, se croit en sécurité dans son Château-promontoire aux ombres déchiquetées aussi sombres que la nuit de sa folie.
Un récit merveilleux en proie à nos rêves de toute puissance, enfouis dans notre inconscient dont le dénouement allusif nous renvoie au jeu du double façon doublon…ou, plus simplement, de l’arroseur arrosé. On ne s’extrait jamais de l’enchaînement du jeu entre vie et mort, entre divertissement et ennui, entre volonté de puissance et folie…
Précipitez-vous vers ce petit livre à la langue ciselée qui vous chassera de votre illusoire confort en forme de bonne conscience pour faire de vous la proie de vous-même !
En effet, une interprétation très intuitive de ce bref récit pourrait faire penser que Zaroff, désespéré par l’insatisfaction tenace et sans remède qui le ronge, finit par se chasser lui-même en devenant la proie de son reflet.