3. La vieille maison, d’Oscar Peer, éditions Zoé, 190p, 2022, 15€, chronique 2
C’est un récit prenant, profond, semblable aux reflets argentés, le long d’un cours d’eau de montagne, à la tombée de la nuit. Des fils de lumière serpentent à la surface de mots simples, percutants, qui s’effacent aussi vite qu’ils ont surgis.
Un homme fier, prisonnier de sa solitude, s’évertue à habiter la bâtisse isolée qui appartenait à son père récemment disparu. Comme souvent chez Oscar Peer, auteur romanche trop peu lu, la nature rugueuse, boisée, insondable, et les pentes abruptes des alpages renforcent le sentiment de perte à venir que pressentent les héros de ses romans.
Les dettes contractées par le père du personnage auprès de l’aubergiste qui règne en seigneur de la bourgade, âpre au gain, et la dureté de la vie en montagne resserrent l’étau autour de la vieille maison. L’héritier mène une lutte vaine, empli d’une résonnance désespérée face à l’adversité, pour préserver la vieille maison qui flotte comme son âme vagabondante sous le vent nocturne des massifs alentour.
Une langue dépouillée, précise et habitée, qui chemine telle un randonneur égaré qui sait que ce n’est pas l’arrivée mais le parcours qui fait sens. Il y a du Ramuz dans l’âpreté et le temps calme du récit, du Giono dans l’évocation d’un relationnel complexe et douloureux entre les habitants de ce village reculé et du Kawabata dans la scène finale, rougeoyante, où l’incendie illumine la nuit et coule ses larmes de feu comme des reflets d’eau sous la lune.
Ce court roman est beau, ancré dans une terre sauvage, silencieuse et sombre. Cependant, une forme minérale affleure le long des mots d’Oscar Peer, comme une roche saillante qui refuse de se laisser approcher. Oscar Peer ne lâche rien à la férocité de la vénalité humaine, il la tord jusqu’à l’effacer pour s’échapper et continuer à vivre avec dignité.
Oscar Peer dans ce bref récit, comme dans son autre roman Coupe sombre, nous donne une leçon – au sens étymologique de témoignage – : une maison à l’intérieur de soi, comme une bibliothèque dans son esprit, sont souvent plus belles que toute la matérialité des demeures du monde et des livres immobiles.
Il faut continuer à se tenir debout et marcher vers le lieu où nos pas nous mènent… car l’avenir est l’origine car il n’est jamais plus que le présent.