Henry-Beston - La-Maison-au-bout-du-monde

1. La Maison au bout du monde, d’Henry Beston, éditions Corti, 2022, 180p, 19€

« La mer, en hiver, est un miroir dans une pièce froide, faiblement éclairée; en été, c’est un miroir inondé de lumière… ».  

Sur son Gaillard d’Avent comme il le nomme, en fait une cabane aux nombreuses ouvertures au bout d’une longue et mince langue de terre battue par les vents de l’Atlantique nord, Henry Beston passera un an en solitaire, entre 1926 et 1927, à écouter, observer et vivre au rythme de la nature environnante.

Ce journal-récit d’aventures, devenu un classique de la littérature naturaliste, n’aurait jamais dû voir le jour au retour de son long séjour. Cependant, sa fiancée (Elisabeth) a exigé qu’il l’écrive avant la cérémonie de leur mariage. Pas de livre, pas de mariage lui aurait-elle lancée, sans aucun soupçon d’humour !

Sans doute, la longue séparation imposée par Henry Beston, sans réelle anticipation, valait-elle à ses yeux qu’il consentisse au moins à réaliser un effort d’écriture.

Henry Beston, comme Flaubert, a du mal à écrire, cela lui demande un travail énorme tant il est exigeant pour trouver les mots justes, précis pour formuler l’inaccessible, ou décrire l’impossible. 

Car c’est de bien de cela qu’il s’agit dans cet hommage aux aventures simples de la vie solitaire en milieu terro-marin : entre ciel, océan et terre. Décrire l’inaccessible beauté des vagues bleues s’esclaffant sur les dunes, faire ressentir les différences entre l’oiseau en plein vol et l’oiseau au repos, représenter l’impossible bruit d’ailes du canard siffleur, « note claire, sibilante, qui s’enfle à mesure que l’oiseau approche, puis s’évanouit dans l’espace comme un faible et sifflant soupir ».

A chaque saison les oiseaux de mer, ou de terre, (plus de 35 espèces citées) et les couleurs de la mer et du sable se mêlent, s’entremêlent et volent à toutes profondeurs dans le ciel.

A plus de 50 km de Boston, le Cap Cod forme un promontoire étroit qui subsiste et se fraie un maigre passage dans l’Atlantique. Dans sa maison du bout du monde, Henry Beston épouse la nature et, de nuit comme de jour, par tous les temps, parcourt les ravines, les plages, les dunes, les landes et observe, impuissant, les naufrages des embarcations et les sauvetages fréquents des gardes côtes lors de terribles tempêtes. 

« Les mers sont le sang de la terre… ». Henry Beston nous fait vivre dans une langue précise, poétique et venteuse que, même sur terre, nous voguons entre les mers de nos espérances lumineuses ou nocturnes. 

On ressort de la lecture avec un regard regaillardi, pétillant et joyeux, comme après une longue promenade le long des côtes bretonnes par un jour de grand vent !